L'aventure est sur le point de se terminer

À vous mes joueurs, adjoints, parents, je vous écris cette lettre pour annoncer officiellement ma retraite en tant qu’entraîneur au hockey mineur à la fin de la présente saison.  Oui je sais, je suis « qu’un » coach de hockey mineur alors pourquoi annoncer haut et fort que je prends ma retraite?  Ce n’est pas une profession.  À toutes les années, il y a des centaines d’entraîneurs au Québec qui arrivent à la même décision que moi et le font dans l’anonymat le plus total.  Des entraîneurs qui ont donné 1, 5, 10 voire plus de 20 ans de leur vie à l’encadrement des jeunes athlètes.  Alors pourquoi moi Steve Lauzon, je décide d’annoncer ma « retraite » ?

Crédit photo : Christine Dallaire
Crédit photo : Christine Dallaire

 

Tout d’abord, mettons une chose au clair.  Je ne cherche pas la reconnaissance personnelle, au contraire!  S’il y a bien quelque chose que j’aime c'est d’opérer en arrière-plan et d’éviter le spotlight.  Je préfère le donner aux gens qui m’entourent et/ou à mes joueurs.  Les gens qui me connaissent le savent très bien.  Je suis qu’un entraîneur parmi tant d’autres, et certainement pas plus spécial qu’un autre.  Cette lettre de retraite se veut un moyen pour moi d’apprécier tout le chemin parcouru et de clore un chapitre important de ma vie.  Un chapitre où j’ai eu le privilège de développer des relations extraordinaires, atteints des objectifs importants et surtout où j’ai adoré transmettre ma passion aux jeunes.

Et oui je sais, ma saison est loin d’être terminée!  En l’affichant publiquement, je veux profiter au maximum de ces dernières semaines / mois de la saison et viser le but ultime une dernière fois avec les joueurs de l’édition courante.  On passe présentement à travers toutes sortes d’épreuves.  Mais la force d’un groupe qui se tiens ensemble est très difficile à arrêter.  Tout est possible… et me semble, que ça serait la cerise sur le gâteau :-). 

Ma retraite coïncide également avec la fin du parcours au hockey mineur de mon garçon Joshua.  Je suis tellement fier du chemin et de l’homme qu’il est devenu durant cette aventure.  Ce fut un immense plaisir pour moi de pouvoir vivre cela avec lui sur une  base quotidienne.  J’étais entraîneur bien avant que Josh chausse les patins.  Ma décision n’est pas liée à la fin de son parcours mais bien parce que mon for intérieur me le répète depuis quelques mois : Steve c’est le temps.

J’ai débuté ma carrière d’entraîneur en 1993, soit à l’âge de 18 ans.  J’ai pris une pause lorsque les jumeaux sont arrivés.  Durant cette pause, j’étais très impliqués auprès de la jeunesse comme coach en motivation dans les écoles secondaires.  Je suis revenu dans le monde du hockey lorsque Joshua a débuté son MAHG.  À l’exception du novice (je vous lève mon chapeau entraîneurs du novice, vous avez une patience d’exception), j’ai dirigé toutes les catégories d’âges du hockey mineur, simple comme double lettre.  J’ai été en chef, adjoint, gérant et même soigneur.  J’ai aussi dirigé quelques équipes de hockey estival.  Par le biais d’un mentor, j’ai même eu l’opportunité d’approfondir, le temps de quelques mois, mes connaissances au niveau Junior AAA. 

Je n’ai jamais dirigé au niveau de la structure intégrée.  Mais pour moi, un entraîneur est un entraîneur peu importe le niveau.  90%+ des entraîneurs sont au niveau simple ou double lettre et à moins de me tromper, ils/elles sont tous des bénévoles.  Il faudrait le réaliser et offrir à ce bassin d’entraîneurs les ressources dont ils ont besoin.  Je félicite mon association qui offre des cliniques de développement aux entraîneurs sur une base régulière.

Des tournois et championnats, mes joueurs en ont gagné!  Même la prestigieuse coupe Chrysler à la fin des années 1990 (l’ancêtre de la coupe Dodge), où je chéris encore cette bague (en or plaqué J) qui nous avait été remise.   J’aime voir les émotions chez mes joueurs lorsqu’ils réussissent un objectif commun, c’est ce qui m’a inspiré à continuer année après année.  Alors ma retraite, je la prends avec le sentiment du devoir accompli. 

Au fil des ans, j’ai eu le privilège de diriger plusieurs joueurs.  Certains ont atteint les niveaux suivants du hockey, d’autres sont devenus, entre autres, des médecins, des électriciens, des entrepreneurs et des pères de famille.  À chacune des occasions où j’ai l’opportunité de serrer la main à l’un de mes anciens, je suis fier du chemin que ce jeune a parcouru.  Pour lui, c’est le temps d’une saison de hockey (ou deux) que j’ai été dans sa vie, soit une infime partie de son cheminement.  Mais pour moi, aussi petite soit cette partie, ce fut un privilège de l’être. 

Toutes mes équipes, sans exception, on eut un impact sur le coach que je suis devenu.  Mais peu ont eu autant d’impact que mes deux dernières années au niveau Midget AA (M18).  J’étais craintif à l’idée de me lancer dans cette aventure puisque tout ce que j’entendais, c’était négatif.  Mais si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seule seconde. 

Oui j’ai grisonné plus vite que je ne l’aurais aimé, mais en sommes, j’ai vécu une superbe expérience entourée d’excellents adjoints notamment, deux de mes meilleurs amis, Chris et Martin.  Une expérience que je n’échangerais pour rien au monde et dont je suis convaincu, que l’on va continuer à parler autour d’une bière pour de nombreuses années.  Coacher c’est le fun… mais coacher avec ses meilleurs amis c’est fantastique.  Merci les boys d’avoir été à mes côtés.  Les nombreuses discussions que nous avons eu à essayer de trouver des solutions, seuls nous savons tout le temps que nous y avons mis. Je ne l’oublierai jamais et ça va me manquer terriblement.

À vous mes joueurs (d’hier à aujourd’hui), j'ai fait du mieux que je pouvais afin de vous garder imputable face à vos gestes et paroles.  J’ai tenté de vous transmettre des valeurs qui vous serviront dans votre vie adulte, tel que le sens des responsabilités, l’acharnement au travail, la communication, la résilience et le teamwork.  Sachez que chacune des décisions que j’ai faite fut prise avec ces valeurs en tête.  J’ai fait une multitude d’erreurs dans ma carrière, certaines plus importantes que d’autres.  Des décisions que je regrette et d’autres dont je suis fier d’avoir écouté ma petite voix intérieure et de m’avoir tenu debout.  C’est ce qui fait qu’être entraîneur est passionnant puisqu’on apprend à tous les jours. 

Je suis vraiment fier de n’avoir jamais pris une décision pour arracher la victoire au tableau indicateur si celle-ci impactait négativement l’un de mes joueurs.  J’ai toujours cru à la force de l’équipe et la contribution active des joueurs qui la compose.  Je dirigeais une équipe de hockey mineur, pas du junior majeur ou professionnel.  La priorité au hockey mineur se doit d’être le développement individuel des joueurs, peu importe le niveau.  On doit mettre les joueurs dans des situations inconfortables où le sort du match est en jeu.  On doit permettre aux joueurs de faire des erreurs sans qu'ils se soucient d’être cloué au bout du banc.  Ils doivent faire face à l’adversité et développer de la résilience suite à un échec.  C’est ma façon de voir les choses.  Ce fut une priorité pour moi de veiller à votre bien-être et développement.  Voilà la raison pourquoi j’ai très rarement coupé mon banc, conserver la rotation de gardiens prévus, appliquer mon plan disciplinaire, vous impliquez dans certaines décisions et surtout, discuter, discuter et discuter. 

Certes, ma philosophie n’a pas toujours tourné en notre faveur et mes décisions ne furent pas toujours populaires… mais dans le plus profond de moi-même, j’étais convaincu de prendre la meilleure des décisions.  À quelques exceptions près, je prendrais les mêmes aujourd’hui.  J’en ai eu des discussions avec vous, ô que j’en ai eu.  Certaines m’ont prisent par surprise tandis que d’autres furent plus difficiles où on s’est dit nos quatre vérités.  Des discussions où j’étais l’oreille attentive, et d’autres où j’étais le seul à parler.  Des discussions où je devais composer avec vos menaces à vouloir abandonner et d’autres, où je devais vous offrir le support aux problèmes que vous viviez à l’extérieur du hockey.  Des discussions dans la chambre des coachs, autour d’une table de cuisine ou encore, au Tim Horton.  Bref, s’il y a une chose qui m’a fait passer des nuits blanches se sont bien nos discussions.  Mais après recul, c’est probablement ce qui va me manquer le plus… nos discussions.  Sachez que chaque minute que j’ai passé à titre de votre coach au hockey, je prenais mon rôle très au sérieux.  Vous étiez tous très important pour moi.

C’est dommage que la culture au hockey du Québec néglige la catégorie midget (M18).  C’est même déplorable.  Tant et aussi longtemps que tu ne passes pas une saison avec un groupe de jeunes de 15 à 17 ans, il est impossible de savoir comment ils pensent ou comment ils agissent.  Que tu ailles joué au hockey, que tu sois sur un membre dirigeant ou encore, que tu ailles à la maison des ados de ce groupe d’âge.  Tant et aussi longtemps que tu n’es pas dans leur quotidien, personne pourra me convaincre du contraire.  Un groupe n’agit pas de la même façon qu’un individu.

Plusieurs décisions sont prises en se basant sur les apparences ou encore, en oubliant que cette catégorie existe.  Bien qu’il soit vrai que la catégorie offre son lot de défi, que les priorités changent et que l’engagement de certains joueurs n’y est plus, ce n’est certainement pas l’ensemble du groupe.  J’ai rapidement compris que l’on doit s’adapter à cette génération (nous les adultes, pas les joueurs), et lorsqu’ils sont bien encadrés, ils peuvent être une ressource importante.

J’ai fait plusieurs activités de parrainage avec des équipes plus jeunes, et à chacune des fois ce fut un succès.  Les plus jeunes s’identifient au plus vieux.  Les joueurs midget sont les modèles d’aujourd’hui et surtout, les entraîneurs de demain ce que l’ont tant à oublier.  Certes, les services offerts à ce groupe de jeunes doivent différer de ceux offert à la catégorie atome.  Mais on se doit d’offrir le même niveau de service. 

Malheureusement, cette façon de voir les choses est répandue à l’ensemble de notre province.  Et loin de moi l’idée de blâmer qui que ce soit.  C’est la culture du hockey au Québec.  Nous en payons le prix aujourd’hui.  Il y a un déclin en nombre d’équipes, nombre de tournois offerts, voire un manque d’entraîneurs pour ces catégories.  On blâme le manque d’inscriptions sur les nouvelles catégories scolaires ou encore, sur le fait que le hockey n’est plus la priorité de ces jeunes.  C’est vrai.  On doit adapter notre modèle et structure du hockey civil à la nouvelle réalité.  Mais cela n’a rien à voir avec les joueurs mais tout à faire avec nous les adultes qui prenons les décisions.  Si on investissait autant d’énergie à cette catégorie qu’on le fait avec toutes les autres, si on offrait des services orientés vers ce groupe d’âge (relié ou non au hockey), si on les impliquait dans le développement de nos plus jeunes joueurs, si on leur offrait quelque chose qui est propre à eux et dont ils sont fier, je suis persuadé qu’on éliminerait éventuellement une vaste majorité des problèmes que l’on a aujourd’hui.

C’est mon plus grand souhait, de voir les choses changées afin que les futurs M18 puissent vivre l’expérience dont ils méritent à ce niveau.  Afin qu’ils puissent prendre leur retraite du hockey mineur sur un high.  Ma plus belle année au hockey mineur comme joueur fut celle de mes 17 ans.  Et comme coach, j’ai vécu aussi l’une de mes plus belles années au niveau midget (M18).  Ce n’est pas facile à faire, mais ce n’est pas impossible.

À l’avenir, je vais investir plus de temps à mon blogue Loz Hockey.  Je veux créer plus d’exercices au tableau et ajouter davantage de ressources pour les entraîneurs.  Disons que ma passion du coaching va demeurer grâce à mon blogue.  J’ai un partenaire extraordinaire (Alain, un autre de mes excellents amis) qui m’appui dans cette démarche. Je vais aussi continuer à visiter les diverses arénas par mon autre passion soit celle de l’arbitrage… ok surtout juge de ligne.  J’aime bien le rôle de grand frère que j’occupe auprès des jeunes officiels.

Bref, j’ai longuement réfléchit avant d’arriver à cette décision.  En fait, depuis plus d’un an.  Je n’ai que 45 ans et je pourrais le faire encore longtemps.  Mon cœur me dit de continuer mais ma tête me dit le contraire.  Les générations changent et il devient de plus en plus difficile pour moi de m’adapter.  Je savais que cette année était mon dernier tour de piste.  Ça va me manquer, ô que ça va me manquer… ça je le sais.  En août quand viendra le temps de préparer le camp d’entraînement, j’aurai probablement des doutes sur ma décision.  Je m’y attends.  Je vais m’ennuyer de vous les joueurs, de vous les parents et de vous mes adjoints. 

Mais avec tout ce que j’ai eu le privilège de vivre grâce au hockey, je ne peux qu’être serein.  Merci à vous tous, joueurs, parents, coachs et bénévoles d’avoir participé à ce voyage extraordinaire.  Un voyage qui aura duré beaucoup plus longtemps que prévus.  Un voyage qui m’aura permis de réaliser que le hockey est une école de vie, pas juste pour les joueurs mais pour les entraîneurs également.

Qui sait un jour, je serai peut-être de retour derrière un banc aux côtés de fiston, s’il le veut bien.  En vieux stratège, je me garde une porte ouverte.  Mon sifflet bien que rangé, ne sera pas bien loin.

Oui, je suis qu'un coach de hockey mineur qui se retire.  Mais un coach extrêmement fier d'avoir eu cette opportunité de le faire pendant ces nombreuses années.  Et pour cela, cher communauté hockey, je vous dit merci.

Sportivement,

Coach Steve