Un couteau à double tranchant

La semaine dernière, le conseil exécutif de Hockey Canada prenait la décision de retirer les mises en échec du niveau Peewee et ce, à l’échelle Nationale. Le Québec faisait déjà bande à part dans ce mouvement depuis belle lurette. Mais à partir de maintenant, ça sera de même d’un océan à l’autre. À mon avis, c’est le point positif de cette décision. Tous les jeunes dans le même bateau.

 

Personnellement, bien que je comprenne très bien le point de vue de Hockey Canada, je ne suis pas nécessairement en accord avec leur décision. Peut-être que je suis bafoué par le fait que j’ai moi-même été introduit à la mise en échec dès l’âge de 11 ans et que j’ai joué contact la majorité de mon hockey mineur. Je crois que l’on s’attaque à un symptôme au lieu d’essayer de remédier à la source du problème.

Ce printemps j’ai eu la chance de diriger un groupe de jeunes âgés de 12 ans. Nous avons fait 3 tournois où la mise en échec était tolérée. Plusieurs de mes joueurs étaient nerveux, certains avaient peur d’être sonnés et oui, quelques-uns l’ont été. Provenant du Québec, je dois admettre que nous avions une coche en arrière sur nos cousins Ontariens.

Par contre, j’ai réalisé une chose importante durant cette expérience. Certes, les jeunes Ontariens avaient l’instinct d’appliquer la mise en échec ce que nous n’avions pas nécessairement. Mais la majorité de celles-ci n’étaient pas bien appliquées ou encore, étaient tout simplement illégales. Et ce qui était le plus désolant c’est qu’elles étaient tolérées et encouragées.

Et quoi dire de l’approche au porteur? Les mises en échec au bâton? Le positionnement? La récupération de la rondelle? Tous des tactiques absentes de leur répertoire. Combien de jeunes ai-je vues partir en ligne droite vers un adversaire avec la seule intention d’aller lui appliquer une mise en échec? Oh certes, il réussissait à le frapper plus souvent qu’autrement, mais il avait par la suite les deux fesses sur la glace et son adversaire avait toujours le contrôle de la rondelle. Mais il y a eu un boom suite au contact. Les entraîneurs, coéquipiers et parents applaudissaient. Il avait faites son job.

C’est à ce moment que j’ai compris que le problème n’était pas les mises en échec. La mise en échec physique est la 4e phase de mettre en échec un adversaire. Elle existe afin de neutraliser un adversaire dans le but de récupérer la rondelle. Elle doit être précédée par une approche au porteur et un positionnement adéquat, les mises en échec au bâton, la mise en échec corporelle et finalement la mise en échec ou contact physique. Le problème n’est pas la 4e phase mais bien les 3 premières. Et j’ajouterais à cela, nos méthodes d’enseignement et notre culture du sport en général.

Je suis tout à fait en accord avec le fait qu’il faut protéger nos enfants et réduire les commotions cérébrales voire les risques de celles-ci. Si on peut apporter quelques ajustements ou modifier des règlements, go for it ! Sans aucun doute, la décision aura un impact positif sur cet objectif pour les jeunes au niveau Peewee. Et si on prend deux années supplémentaires pour bien éduquer les jeunes à avoir un bon positionnement, faire une approche au porteur adéquate, appliquer efficacement des mises en échec au bâton et effectuer une mise en échec corporelle de qualité alors je suis tout en fait en accord avec la décision. Ils arriveront à leurs années Bantam préparés.

Mais vas-t’ont vraiment prendre ces deux années supplémentaires pour bien éduquer les jeunes? Vas-t’ont vraiment inclure des ateliers pour développer ces habiletés à chacun de nos entraînements? Vas-t’ont avoir la discipline de le faire entraînement après entraînement? Ou c’est les stratégies, les 2 vs 1, les sorties de zone et le jeu de puissance qui prendront rapidement le dessus?

Je ne suis pas naïf, je suis moi-même un entraîneur. Il est beaucoup plus plaisant de préparer un entraînement qui se concentre sur des stratégies ou des tactiques collectives que de préparer un entraînement axé sur des tactiques individuelles. Et c’est la même chose pour les jeunes. Ils préfèrent, et de loin, le collectif à l’individuel. Ce sera tout un défi pour les entraîneurs Peewee, un âge où le collectif prend un peu plus de place et de réinvestir un peu de ce temps au développement des habiletés préparatoires à la mise en échec tout en gardant un niveau élevé de motivation.

Je suis conscient qu’il existe de très bon programme et clinique sur les techniques de mises en échec qui sont offertes par la majorité des associations locales. Hockey Québec a aussi d’excellentes vidéos sur leur canal Youtube. Ce sont des excellents outils et tous devraient en profiter. Mais malheureusement, pour développer une habileté ou tactique, cela ne s’enseigne pas en un weekend ou en une vingtaine de leçons. Cela doit être fait assidument tout au long de l’année. Cela doit être fait entraînement après entraînement. Tous, associations, entraîneurs, joueurs et parents doivent être sur la même longueur d’onde.

Et c’est pour cette raison que je suis inquiet.

Bien que nous ayons tous les meilleures intentions, mon feeling me dit que nous offrirons ce genre de clinique au début de l’année mais elles se dissiperont rapidement et nous reviendrons à nos vieilles coutumes.

Qu’adviendra-t-il alors des jeunes lorsqu’ils arriveront au niveau Bantam? Qu’adviendra-t-il lorsque ces mêmes jeunes feront face à des jeunes hommes où la testostérone coule à flots? L’impact du contact physique sera beaucoup plus important qu’au niveau Peewee. Et si les jeunes ne sont pas bien préparées, les mêmes statistiques (sinon pire), sur les commotions cérébrales referont surface. Vas-t’ont bannir les mises en échec du niveau Bantam à ce moment?

À mon avis, il faut revoir de fond en comble nos méthodes d’enseignement. Il faut que les associations encadrent mieux leurs entraîneurs en offrant un support adéquat pour s’assurer que les jeunes reçoivent la formation de qualité. Il faut que les entraîneurs soient plus disciplinés. Il faut qu’ils soient évalués et corrigés au besoin et dans certains cas, remplacés. Il faut que les officiels soient plus rigoureux dans l’application des règlements. Il faut que les sanctions soient plus sévères. Et il faut surtout encourager et féliciter le joueur pour l’application des 3 premières phases et non uniquement la 4e.

Je veux éviter de tomber dans le jeu de comparaison avec les autres sports. Ou les arguments du type que le hockey se joue de la sorte depuis les 100 dernières années, qu’on devrait aussi retirer le contact du football, éliminer la boxe et jouer au soccer avec un casque au cas où la tête d’un joueur entrerait en contact avec un adversaire.

Le hockey, comme tous les autres sports, comporte un certain risque lorsqu’on le pratique. Je ne suis pas contre le moderniser. Au contraire, le hockey en a de besoin. Mais pour moi, ce qui doit être modernisé c’est la culture du sport en général et les méthodes d'encadrement et d’enseignement.

Je suis persuadé que le conseil exécutif a pris la décision avec les meilleures intentions et qu’ils avaient la sécurité des joueurs à cœur. Le nombre élevé de commotions cérébrales doit être pris sérieusement, très sérieusement. Et c’est la raison pourquoi je me dois de supporter et respecter la décision même si je ne suis pas en accord avec celle-ci. Je trouve par contre que la décision est un couteau à double tranchant et que d’autres solutions auraient pu être mise en place avant celle-ci. Seul le temps le dira si ce fut la bonne décision.

Bref, je répète que le point positif de cette décision est que tous les jeunes, d’un océan à l’autre, seront dans le même bateau.

Concentrons-nous maintenant à faire tout en notre possible afin de bien préparer les jeunes au niveau Bantam. Travaillons ensemble et poussons tous dans la même direction toujours pour le bien de nos jeunes. 

Merci de partager ce texte.

Steve Lauzon
Loz | Hockey
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